Portraits

Portrait de Oleg Leonidovitch Moiseev

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Oleg Leonidovitch MOISEEV (1925 – 2002)

O.L. Moiseev, du jeu à la pendule au jeu par correspondance

1 ère partie : le dur apprentissage dans les championnats d’URSS à la pendule
Oleg Leonidovich Moiseev (1925 – 2002) fut une figure majeure des compétitions par correspondance au plus niveau, en particulier dans les Olympiades ICCF. Cependant pour arriver à décrocher le titre de GM ICCF, et surtout pour participer à l’équipe d’U.R.S.S., il fallait avoir une solide formation de base dans la compétition à la pendule, voire même comme c’était souvent le cas entre les années 1950 et 1980 avoir d’abord un titre F.I.D.E.; ainsi J. Estrin et M. Umansky étaient déjà M.I. F.I.D.E. avant de devenir Champions du Monde ICCF. O.L. Moiseev lui – même obtiendra le titre de M.I. F.I.D.E. en 1970. Si beaucoup de joueurs soviétiques avaient au moins
notre équivalent Maître National à la pendule, durant cette période un nombre non négligeable réussirent à décrocher la double palme G.M. F.I.D.E. et GM ICCF : Bondarevsky, Borisenko, Ragozin, Gipslis par ex.

La consécration ultime était d’arriver à jouer dans la poule finale du championnat d’U.R.S.S. qui
décernait le titre, et d’y rencontrer les super -stars du régime, la plupart en fait quasi professionnels
aux échecs entrainés et rémunérés par l’Etat (Botvinnik, Kérès, Smyslov, D. Bronstein, Tal, etc …)
Ainsi des noms connus de forts joueurs par correspondance sont d’abord passés par ces
championnats d’U.R.S.S. : Bondarevsky, Borisenko, Ragozin, Dubinin, Zagorovski, Tolush,
Simagin, Sakharov, Kashin, Oim, pour ne citer qu’eux.
Cependant si quelques uns de ces Maîtres ont su obtenir une place plus qu’honorable dans ces
championnats à la pendule, la plupart ont éprouvé de grandes difficultés à obtenir au moins 50 %
des points possibles. En effet déjà ces championnats étaient de gigantesques tournois avec souvent
20 joueurs au moins, à la cadence lente et avec ajournements; ces finales duraient au moins un
mois ! Parfois même ils étaient les plus forts tournois annuels au monde. Il ne s’agissait donc pas
seulement d’une question technique, de force intrinsèque, mais aussi d’avoir une résistance énorme à
l’usure physique et nerveuse; même un lutteur comme V. Kortchnoi, plusieurs fois Champion
d’U.R.S.S., s’est littérallement délité dans certains tournois, incapable de suivre le rythme …
O.L. Moiseev a quand même réussi l’exploit de se qualifier dans pas moins de 3 championnats, avec
comme meilleure place celle de 9 ème dans le 20 ème Ch. U.R.S.S. 1952, sur 20 joueurs (1 er :
Botvinnik)
Voici une de ses parties contre le redoutable joueur d’attaque Efim Geller qui terminera 3 ème avec
11,5 points sur 17 au 19 ème championnat d’U.R.S.S. 1951 gagné par “l’immortel” Paul Kérès 12 pts;
Moiseev 15 ème avec 6,5.

                       

Moiseev – Geller – URS-ch19 1951

 

 

 

                        Efim Geller 1974

                                                              Efim GELLER

 

2ème partie : la compétition au plus haut niveau par correspondance, et le titre de Grand Maître

Fort de cette très rude expérience, et répondant à la politique de l’Etat central et du Comité des Sports qui voulaient assoir au niveau mondial une hégémonie totale dans les échecs aussi bien au niveau individuel que par équipes, aussi bien au jeu à la pendule que par correspondance, O.L. Moiseev s’est rapidement impliqué dans les tournois ICCF comme beaucoup de ses collègues.

Il sera surtout un des piliers des équipes d’U.R.S.S. dans les finales des Olympiades par correspondance : de la V (1965-68) à la IX (1982-87), soit 5 participations sur 20 ans ! Il en sera de même pour son compatriote A.I. Khasin (GM ICCF en 1972) : des longévités exceptionnelles …

Il jouera quasiment à tous les échiquiers dont au 1er dans la VII (1972-76), et l’U.R.S.S. pour cette période 1965 – 1987 décrochera 3 fois la médaille d’or, une fois la 2ème place et une fois la 3ème.

Elle massacrera même tous ses adversaires dans la CCOL VI (1968-72) avec un score final de 9,5 points d’avance, plus grand écart jamais enregistré (Moiseev au 3ème échiquier)

En 1977 O.L. Moiseev décrochera le titre de GM ICCF.

La RCCA (fédération russe des échecs par correspondance) lui consacrera un Mémorial, de 2004 à 2007; 1er / 2 / 3ème : I. Dolgov RUS, H. Pigg FIN et A. Kashlyak RUS 10 sur 14.

Plutôt que de donner sa partie connue contre l’Allemand de l’Est Horst Rittner, Champion du Monde ICCF en titre (qui avaient les blancs) dans la finale de la VII Olympiade, j’ai choisi sa victoire tout aussi intéressante contre le n°1 anglais Adrian Swayne Hollis.

                                

Moiseev – Hollis – CCOL 7 Final 197

 


 3ème partie : le commentateur

En U.R.S.S. le maître d’échecs était très respecté, considéré comme un sportif de haut niveau ayant réussi grâce à son travail. S’il pouvait mener une autre carrière professionnelle (par ex. Botvinnik était ingénieur électricien, Gipslis un économiste) vivre uniquement des échecs était plus difficile même avec l’aide constante de l’Etat. Ainsi en dehors de l’élite de niveau mondial, il fallait devenir d’abord entraineur (ce qui était relativement facile pour un Maître), souvent journaliste (tel J. Estrin, 7ème Champion du Monde par correspondance), voire par goût éditeur (A. Gipslis), et parfois secondant des grands champions lors de leurs matches.

Les publications de tout ordre sur le jeu d’échecs en U.R.S.S. (livres, revues, bulletins sportifs, des syndicats, des armées, mais aussi chroniques dans les journaux, etc …) ont atteint un niveau incroyable certaines années : il a été démontré que ces parutions dépassaient quantitativement le best – seller mondial qu’est la Bible ! Peu importe la mauvaise qualité des publications car il fallait que cela soit accessible à tout citoyen, à prix modique, et partout sur le vaste territoire …

Contrairement à ce que l’on pense, l’information échiquéenne des Pays de l’Est était relativement bien accessible aux G.M. Occidentaux : ainsi un champion solitaire tel que R.J. Fischer était parfaitement au courant des compte – rendus des grands tournois, championnats d’U.R.S.S. par ex., ainsi que des articles d’analyse des grands théoriciens (à l’ère du “tout postal” et de la “Guerre Froide”, il serait intéressant de savoir quel était son réseau !)

Du côté français, n’oublions pas que de grands quotidiens tels l’Humanité, le Figaro, Libération et le Monde avaient une rubrique hebdomadaire sur les échecs (et même des compte – rendus sur les championnats du Monde des dames, avec des parties, dans le Monde !) Idem pour l’Express et la Vie Ouvrière, organe de la C.G.T. Les échecs soviétiques étaient bien la référence absolue; mais tout cela a disparu …

Les championnats d’U.R.S.S. par correspondance n’ont pas échappé au jeu de l’analyse et des commentaires de parties dans des revues spécialisées ou dans des journaux. Des joueurs ont été très prolifiques dans ce domaine : Konstantinopolski, Estrin, Zagorovski, Simagin, Yudovich, Omelchenko, Nesis, Grodzensky, pour ne citer qu’eux; on notera aussi le travail considérable du GM ICCF allemand Heemsoth avec ses “scrapbooks” …

Enfin de forts G.M.I. F.I.D.E. ont commenté des parties par correspondance des grands tournois en U.R.S.S. : Euwe, Gligoric, Nunn.

Moiseev lui s’est surtout impliqué dans l’analyse de parties des championnats d’U.R.S.S. à la pendule, surtout quand il était jeune dans sa période active concernant ces tournois (nous n’avons pas réussi à savoir dans quelle revue il faisait paraître ses commentaires)

Ici il analyse la partie D. Bronstein – L. Polugaevsky du 25ème championnat d’U.R.S.S. en 1958.

On ne présente plus un joueur aussi génial et original que Bronstein : il a failli devenir Champion du Monde lors de son match en 1951 contre M. Botvinnik qui a sauvé à l’arraché son titre dans la 23ème et avant-dernière partie grâce à une finale remarquable pleine de rebondissements ! Quant à Polugaevsky, à 24 ans c’était déjà un redoutable adversaire, et dans les années 60 – 70 il fera partie de l’élite mondiale; en outre c’était un grand théoricien particulièrement pour la Sicilienne avec les noirs (certaines de ses variantes sont toujours d’actualité)

                        Partie Bronstein, D. – Polugaevsky, L. URS-ch25 Riga 1958

Bronstein – Polugaevsky  URS-ch25 1958

 

                                         Lev Polugaevsky 1972

                                                                           Lev Polugaevsky

Article écrit et illustré par Denis ROZIER (Janvier 2014)

 

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