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Interview de Patrick Spitz

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Patrick SPITZ

Avant le lancement de la finale du XVIIIème championnat du monde par correspondance, Patrick Spitz a accepté de répondre à quelques questions. Ses parties, tout comme celles de Michel Lecroq (finale du XVIIème championnat du monde) seront retransmises en léger différé sur ajec-echecs.org. Qu’il en soit ici remercié ! (note du webmestre)
Patrick, tu fais partie des tous meilleurs joueurs français (tu as entre autres un titre de champion d’Europe), mais tu es très discret. Peux-tu te présenter un peu aux internautes ?
Il y a eu plusieurs interviews dans le «Courrier des Échecs». Rapidement, une petite présentation : je vais avoir bientôt 40 ans, troyen d’origine, j’ai appris à jouer aux échecs à l’âge de 15 ans grâce à un de mes oncles qui a d’ailleurs aussi donné le virus à mon frère. Je travaille à la Poste dans l’Essonne.
Quel a été ton parcours échiquéen (à la pendule et par correspondance) jusqu’à présent ?
À la pendule, je joue à Évry, j’ai un ELO Fide de 2154 à ce jour (mon meilleur classement a été 2175) et mon ELO en parties rapides est de 2320. Par correspondance, j’ai commencé en 1985 en gravissant les échelons un à un. J’ai gagné le 1er championnat d’Ile de France, puis l’interrégional, suivi du championnat de France 1994 (j’ai fait 3ème en 1993 derrière l’intouchable Brice Boissel). Je me suis naturellement tourné vers l’international et ai obtenu le titre européen dans la 60ème édition. Plus qu’une marche, mais celle-ci est très, très haute !
Penses-tu que que le jeu par correspondance permet de progresser à la pendule ?
Oui, personnellement, j’ai obtenu mes meilleurs résultats à la pendule six mois après le début d’un tournoi par correspondance (le fait de sortir de l’ouverture et surtout savoir comment gérer les coups suivants est déterminant pour la suite de la partie).
Comment définirais-tu ton style ? Est-il différent dans les deux disciplines ?
Je joue les mêmes débuts dans les deux disciplines, mes intentions sont donc les mêmes ; hélas, faute de temps, il m’arrive de jouer «petit bras» à la pendule donc le style devient différent. J’aime les parties tactiques et surtout avec compensation. Je m’ennuie dans les parties positionnelles et donc passe moins de temps à analyser, c’est là que je suis le plus vulnérable.
J’ai pu lire dans un ancien numéro (504) du CDE que tu avais pris en 1997 «la décision de t’informatiser». Peux-tu nous en dire plus sur ta façon de travailler avec l’ordinateur ?
Avant de franchir le cap de l’ordinateur, je consultais les encyclopédies et les Informateurs, mais je passais plus de temps à tourner les pages qu’à regarder les parties. Aujourd’hui, l’outil informatique est indispensable. Dans un premier temps, je consulte toutes les parties de mes adversaires pour me donner une idée du style de joueur qui m’attend. Ensuite, selon mes ouvertures, je regarde les parties potentiellement possibles. Puis je recherche dans la base pour obtenir 100 à 200 parties. Si elles sont plus nombreuses, ma sélection se fait en gardant les plus récentes jouées par les forts joueurs. Ensuite je sélectionne les idées qui doivent me convenir et j’analyse en espérant … Dès que la partie est lancée, j’essaie de garder ma ligne de conduite et je n’hésite pas a jouer les mêmes parties pour économiser du temps.
Es-tu : postal, e-mail ou … les deux ?
J’ai joué «postal» jusqu’en 2002 en attendant la finale du XIXème Championnat du monde. Puis, contacté par Dominique Viard pour participer à la Champion’s League par e-mail, j’ai répondu favorablement et je dois dire que je suis tout à fait pour ce mode de transmission. Paradoxalement, même si la valeur de mes adversaires était moindre, j’avais plus de temps pour analyser que par courrier et je n’ai pas été en crise de temps. Pour prendre un exemple concret : par courrier, on joue ses 10 premiers coups en 10 jours, et il nous reste 80 jours pour les 20 coups suivants, soit une moyenne de 4 jours par coup (au bout de 30 coups, le résultat de la plupart des parties est acquis) tandis que par e-mail, on joue toujours ses 10 coups en 10 jours et il reste 170 jours pour les 20 coups suivants, soit une moyenne de 8,5 jours par coup. Le gros avantage est que par courrier, la lettre puis le duplicata n’arrivent pas souvent à votre adversaire dans une position compliquée ; là, pas de doute pour le e-mail. Je me suis donc inscrit pour cette XVIIIème édition.
Paradoxalement, les AJECistes traversent actuellement une période faste au niveau international (Michel Lecroq et toi-même êtes finalistes du championnat du monde, l’équipe de France s’est qualifiée pour les finales des Olympiades et du championnat d’Europe, etc.) et pourtant de moins en moins de joueurs semblent attirés par le jeu par correspondance «sérieux». Comment expliques-tu cela et vois-tu un moyen d’y remédier ?
Je n’ai pas de solution, sinon, il y a longtemps que je l’aurais communiquée. L’arrivée de l’e-mail doit faire venir de forts joueurs à la pendule car si j’étais 2400, jamais je n’aurais joué par courrier (c’est impossible lorsqu’on est toujours en déplacement pour jouer des tournois). Avec le mail, ça devient réalisable ; espérons que certains se décident à franchir le pas … Deux facteurs montrent que la France a progressé : les résultats par équipes arrivent petit à petit, et ce grâce à tous les joueurs qui participent (et donc progressent) aux rencontres internationales même amicales. De plus, nous allons peut-être avoir trois finalistes différents dans trois championnats du monde consécutifs. C’est ce qui doit donner du courage et de l’envie aux responsables de l’AJEC et aux autres membres qui peuvent apporter leur bénévolat. Ces résultats peuvent aussi séduire d’autres joueurs. Continuez !
Il semble que beaucoup de joueurs «pendule» assimilent le JPC à un affrontement entre Fritz et consorts, donc dépourvu d’intérêt … Que leur répondrais-tu ?
Christophe Léotard a répondu de la meilleure des manières à cette question (dans son match contre les ordinateurs [note du webmestre]). Voici mon avis. Avant que les ordinateurs n’apparaissent par correspondance, certains joueurs ne voulaient pas venir à ce mode de jeu (l’excuse était la lenteur de la transmission), maintenant, l’utilisation de l’ordinateur les a conforté dans leur décision, et hélas d’autres ont abandonné pour ces raisons. Personnellement, je n’ai pas peur si mon adversaire joue les coups de son logiciel ! Je vois deux obstacles à cette pratique :
1) Quel est l’intérêt de jouer les coups de son ordinateur ? Où est la progression et quel est le but ? Là, il vaut mieux arrêter de jouer : si le but de ces joueurs est de gagner des gros tournois, ils perdent leur temps et prennent la place d’un autre car ils n’auront aucune chance. Ils parviendront à remporter quelques matches (et aussi en perdre) mais, pour se qualifier aux phases suivantes ou gagner , il leur manquera toujours quelques points. Plus le niveau est élevé, moins ils marqueront de points.
2) Si votre adversaire décèle cette pratique, il pourra facilement anticiper les coups suivants et a déjà peu de chance de perdre contre ce genre de comportement.
Quelles sont selon toi les qualités primordiales pour réussir au JPC ?
Ma réponse est : le temps, c’est du ELO. Vous pouvez être un peu moins fort que votre adversaire, mais une compétition est longue et si vous êtes sérieux et appliqué dans une partie, cela compense le niveau.
Tes parties de la finale du XVIIIème championnat du monde sont sur le point de débuter. Quels sont tes objectifs dans ce tournoi ?
Au départ, j’ai un seul objectif : gagner ! Ensuite, si je vois que cet objectif m’échappe, je me rabattrai sur la norme de GMI qui est à 7/14 et qui me donnerait le titre. Puis si c’est vraiment trop difficile pour moi, j’espère ne pas gagner la cuillère de bois !
Question de Philippe Chopin, Quelle est ta méthode de travail au niveau de ce tournoi en ce qui concerne les ouvertures ?
  • préparer tes ouvertures fétiches ?
    Oui, j’y ai répondu plus haut.
  • analyser les parties de ton adversaire pour lui jouer des ouvertures qu’il n’aime pas ?
    Qu’est-ce que ces joueurs-là n’aiment pas ? Je préfère jouer ce que j’aime plutôt que ce qu’ils n’aiment pas, de plus certains jouent de tout … et ce n’est pas mon cas.
  • préparer de nouvelles ouvertures ?
    Sûrement pas, je reste fidèle à ce que je connais, ce n’est pas le moment d’essayer une ouverture car en cas de défaite il ne reste que des regrets …
  • ne rien préparer du tout !
    Comme je l’ai dit plus haut, le temps c’est du ELO et même si les parties n’ont pas commencé, j’ai pris de l’avance.
Peux-tu nous présenter ta meilleure partie par correspondance ?

Oui, c’est une partie que j’ai jouée en 1995 par équipe. C’est exactement le genre de partie que j’aime et en plus, je la gagne !

Spitz,P – Jaederholm,B C02

Il ne reste plus qu’à souhaiter bonne chance à Patrick pour sa finale !

Finale du  18ème Championnat du Monde – Les parties jouées par Patrick SPITZ

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